"Mustang porte bien son nom. Fougueux, sensuel et puissant comme un cheval au galop, il raconte l'histoire de cinq sœurs – la benjamine a 12 ans, l'aînée, 16 – confrontées à la difficulté d'être des filles dans un coin reculé de la Turquie d'aujourd'hui. (...) On ne voit qu'elles, les filles, belles chacune à leur façon, le sourire vainqueur, leurs longues mèches de cheveux entrelacées comme des rubans précieux. Elles n'ont rien d'accessoire, ces chevelures-là. Et la façon dont la cinéaste les filme – exubérance indomptée, cascades de soie sur les épaules qu'on voudrait caresser – en dit long sur ce qu'elles représentent. Il y a des pays où la féminité sonne comme un défi.
(...) Une fois la fratrie démembrée, il ne reste plus que des détresses individuelles déchirantes, parfois insurmontables. Mais la force de Mustang réside moins dans le réalisme et la justesse avec lesquels il croque la cruauté des situations que dans sa jubilation à prendre une revanche sur la vie. Car ses héroïnes ont beau être victimes, elles ne se comportent jamais comme telles. A l'image de la plus jeune des sœurs, petit corps musclé qui n'entend pas ployer, elles débordent d'énergie pour contourner les interdits.
Dans la vie, la vraie, les filles accusées de frotter leurs sexes sur la nuque des garçons baissent les yeux en attendant que ça passe. Dans le monde selon Deniz Gamze Ergüven, l'une d'elles sort foutre le feu à une chaise en lançant à sa grand-mère effarée : « Elles ont touché nos trous du cul, c'est dégueulasse, non ? » Et quand les sœurs décident d'assister coûte que coûte à un match de football, leur virée clandestine fait l'effet d'une bouffée d'air pur, pleine de drôlerie et d'insolence. La chronique de mœurs verse alors du côté de la fable, empruntant au passage l'humour un peu bouffon des comédies à l'italienne.
Aussi sérieux soient-ils, les adultes de Mustang ont l'air méchamment irresponsables – voire de mauvaise foi quand il s'agit de marier deux jeunes gens aussi bien assortis que la peau et l'ortie. Quant à l'espièglerie un peu sauvage des cinq adolescentes, elle est le signe joyeux d'esprits libres. Insoumis comme des mustangs."
Mathilde Blottière
La vie des jeunes filles turques vu de l'intérieur. Un film audacieux et puissant!
Ava Gardner au sujet de
Mustang